« Seuls 19% des sondés disent «avoir entendu parler» de la «Marche des Beurs» », Le Figaro, 11 octobre 2013.

Pour les Français, le racisme a progressé

Publié le 07/10/2013 à 08:21

Pour 61% des personnes interrogées par OpinionWay pour la Licra, il est plus difficile d’être musulman aujourd’hui que dans les années 1980.

Trente ans après la Marche pour l’égalité et contre le racisme, dite «Marche des Beurs», les discriminations restent toujours aussi prégnantes dans la société française. Selon un sondage OpinionWay pour la Licra, 59% des Français estiment que le racisme a progressé. La majorité estime qu’il est plus difficile d’être musulman qu’il y a trente ans (61%) ou d’origine maghrébine (56%). En revanche, elle juge plus facile d’être noir aujourd’hui (61%) ou d’origine asiatique (79%).

Pour le président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, cette souffrance des musulmans s’explique par les conséquences du 11 Septembre et des nombreux attentats islamistes perpétrés depuis, dans le monde. Alain Jakubowicz note aussi que pour 36% des sondés, il est plus difficile d’être juif en 2013 qu’en 1983. Alain Jakubowicz y voit une progression de l’antisémitisme.

Il explique: «Nos concitoyens sont lucides. Oui les actes et les propos racistes et antisémites ont augmenté dans notre pays, particulièrement au cours de ces trois dernières années. C’est également le cas dans toute l’Europe». «La crise économique, financière, morale et sociale que nous connaissons s’accompagne d’une montée de la xénophobie et du repli identitaire», déplore-t-il dans Le Parisien. Interrogé lui aussi dans Le Parisien, le président du Conseil représentatif des associations noires (Cran) se montre en revanche plus nuancé et souligne que ce sondage peut aussi montrer une plus grande prise de conscience des discriminations, désormais jugées comme condamnables.

«Un grand coup de pied dans les fesses»

Le sondage de la Licra porte enfin un regard sévère sur 30 ans de mobilisation antiraciste. Seuls 19% des sondés disent «avoir entendu parler» de la «Marche des Beurs». Si 55% des Français jugent le rôle des associations antiracistes «important», elles sont citées après l’école, les médias, le monde du sport et les personnalités politiques. Plus préoccupant: «74% des sondés disent «mal les connaître», 86% se désintéressent de leur action et 70% les jugent «pas efficaces». «Nos concitoyens nous envoient un grand coup de pied dans les fesses», reconnaît Alain Jakubowicz. «Dans les années 1980, on était un peu les rois des dîners en ville. Aujourd’hui, il y a un mythe d’associations liberticides, déconnectées des réalités qui pompent l’argent de la société», a-t-il regretté.

Selon lui, outre «l’effet de mode» et la crise du militantisme, les associations ont commis des erreurs. Elles sont restées «bloquées» sur la grille de lecture des années 1980, où «le racisme était substantiellement blanc, d’extrême droite et souvent chrétien» et «le fait d’être noir, juif ou maghrébin classait comme victime». Or «les racistes et les antisémites ont changé sur le fond» (nouvel antisémitisme né dans les quartiers) et «la forme» (propagation des messages sur Internet).

Espérant que ce sondage serve à «remobiliser les troupes», la Licra appelle à repenser le combat vis-à-vis du racisme, alors même 74% des Français le dénoncent comme un danger. D’après l’enquête de la Licra, c’est sur le terrain, dans les écoles, les entreprises, les clubs de sport et dans les médias que les Français attendent les associations antiracistes.

Le sondage a été réalisé en ligne les 2 et 3 octobre auprès d’un échantillon représentatif de 1003 Français, selon la méthode des quotas.

Source: Le Figaro.